samedi 10 août 2013

The City & The City, China Miéville

Un des grands avantages des littératures de l'Imaginaire, c'est que l'imagination n'a pas de limite. Le fantastique peut s'immiscer en bien des lieux et à bien des époques. Même si des genres existent, et si certains lieux sont plus visités que d'autres, tout est possible. Le versatile China Miéville semble se délecter de toutes ces possibilités qui lui sont offertes, et se fait un devoir d'explorer dans chacun de ses romans les lieux les plus originaux, faisant de chaque roman une expérience tout à fait unique, quitte à égarer lecteurs et éditeurs.

The City & the City, donc, ma lecture de la semaine, est à bien des égards un polar.
Son héros est un policier solitaire d'une quarantaine d'années, Tyador Borlu, confonté à un meurte qui semble insoluble, dont il va falloir traquer l'assassin de page en page.
Du polar, donc. Sauf que.
The City & the City, c'est aussi l'incroyable histoire d'une ville double : une ville, qui à une période oubliée, s'est divisée en deux villes séparées partageant le même espace : Besz, pauvre, aux bâtiments délabrés, où Tyador Borlu mène son enquête, et Ul Qoma, en plein boom économique et aux gigantesques tours modernes. Une même rue peut être émaillée de bâtiments des deux villes, parcourue d'habitants des deux nations. Mais, pour préserver l'intégrité nationale des deux territoires, les habitants respectifs doivent faire semblant de s'ignorer et d'ignorer les parties étrangères offertes à leur regard, de "s'éviser", sous peine de de "rupture", sévèrement punie.
Et de ce tour schizophrénique, notre polar devient science-fiction. 
China Miéville nous convie à une enquête sur le fil du rasoir, entre polar et science-fiction, entre réalisme et folie, entre des différences qui n'en sont pas, avec une grande maîtrise technique.
Le résultat est étrange, difficilement qualifiable.
Trop de travail technique pour se couler dans le style du roman policier, en lui adjoignant ces incursions paranoïaques dans l'imaginaire, rendent la narration un peu impersonnelle, et ralentissent l'action. On sent parfois la peine de l'auteur à rendre la singularité de son univers, et qui noie une description efficace d'adjectifs se référant à l'autre ville pour rappeler l'étrangeté du monde de Tyador Borlu. On sent la peine à faire coexister le rythme soutenu d'une enquête policière aux pauses exigées par la description d'un monde aussi étrange qu'Ul Qoma et Besz.
Mais pour autant, l'ovni qu'est le roman, même entaché de ces quelques défauts, reste fascinant par son originalité et l'exigence technique que s'est fixé China Miéville.
Le conte de Besz et d'Ul Qoma a perdu nos amis éditeurs eux aussi : bien que croulant sous les prix (Hugo 2010, Locus 2010, World Fantasy 2010, British Science Fiction 2009...) c'est au Fleuve Noir que le roman a trouvé éditeur, et sur une table envahie de crimes de papiers que je l'ai trouvé.
The City & the City se joue des frontières jusqu'au bout.

The City & the City / China Miéville. Fleuve Noir, 2011, 20 €

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