A peu près à la même l’époque je découvrais la gamme de jeu Timeline et la couverture de Narcogénèse d’Anne
 Fakhouri. Je plongeais alors dans le monde artistique de Coliandre 
(Xavier Collette) et de sa compagne Rozenn Illiano. Je commençais mes 
lectures avec le Chat qui avait peur des ombres et l’adaptation d’Alice au Pays des merveilles en bande-dessinée (avec David Chauvel au scénario), le Gondolier des ténèbres (Gudule) et le Petit bois du dimanche soir (sans oublier le artbook de Rozenn, Onirography,
 du nom de son blog), me laissant happer par les illustrations douces et
 rondes et dont les couleurs rendent si bien les ambiances imaginaires.
J’ai
 donc “adopté” Rozenn Illiano, via adopte un auteur. Principe très 
simple : demandez l’adoption d’un auteur, recevez son livre, lisez et 
critiquez.
Le Rêve du Prunellier est un recueil de 8 nouvelles de fantasy.
Un goût de pluie et de rouille
Cette
 nouvelle, plutôt ancrée dans notre réalité, nous permet de glisser 
lentement vers un ailleurs : on y suit une jeune femme sur qui la ville 
et la grisaille pèsent. Elle semble courir après quelque chose, ou 
plutôt quelqu’un, comme un amour perdu. Mais dans sa fuite, qui paraît 
éternelle, sans fin, l’étrange et l’ailleurs rôdent.
J’ai aimé cette nouvelle pour son atmosphère de gare, moi qui adore voyager en train.
Dies Irae
Inspirée
 par le conte d’Andersen La Reine des neiges, Dies Irae nous montre un 
autre visage des fées : celle de beautés innocentes, et dont la seule 
faute est d’être aimées des humains. En effet, dans cette nouvelle, les 
deux enfants qui s’enfuient de chez la Reine des neiges ont grandit et 
vivent en ville. Mais le jeune homme est hanté par le souvenir de la 
Reine des neiges et de son palais de glace...
La forêt d’Adria
Un
 vieil explorateur découvre enfin la forêt mythique qu’il a recherché 
toute sa vie. Il y entre et passe dans un monde peuplé d’êtres à la fois
 enchanteurs et dangereux. On découvre ici une partie de l’univers tissé
 par l’auteur, on y aperçoit la genèse des Onirographes.
D’hiver et d’ombres
Une
 jeune fille disparait. En lisant son journal on apprend qu’elle fait 
des rêves étranges où une fée du froid lui demande son aide. On 
rencontre ici Layelis, qui est à la genèse de ce recueil. (Voir : 
http://www.onirography.com/la-genese-du-prunellier/) 
Poe
Un
 vieil enseignant, spécialiste d’Edgar Allan Poe, rend hommage pendant 
des années à son idole, se rendant à date anniversaire sur sa tombe avec
 3 roses rouges et une bouteille de cognac. Mais sa fin est proche et il
 va alors croiser une créature à la fois admirable et étrange, une ombre
 qui lui offre son dernier verre et son dernier voyage, une ombre comme 
tout droit sortie de l’œuvre d’Edgar Allan Poe.
Funambule
Une
 funambule, perchée sur son fil, regarde du haut de ses buildings, avec 
mépris et une moquerie violente les pauvres âmes des mortels qui se 
débattent en vain avant la chute.
Blackthorn
Stygian
 est une Ombre. Il est celui qui guide toute les Ombres à travers les 
mondes... ces Ombres qui détruisent les mondes lorsque leur fin est 
venue. Mais cette fois, c’est la fin de Stygian et de son monde, de 
celui des ombres. On retrouve dans cette nouvelle toutes les Ombres, 
fées-corbeaux dont chacune est bien  différentes, et on y trouve 
également le Prunelier, qui est la mère-déesse, mère - nature et dont 
chaque rêve est un univers. Seule bémol à cette nouvelle : les ombres 
que l’on y voit, que l’on connait déjà, portent des noms anglais (leur 
nom dans la nouvelle où on les rencontre, sont en français.)
Layla des Tours
Layla est enfermée dans une haute tour de verre. Elle essaie d’échapper aux Mots, à sa folie, aux autres…
A
 la fin de ma lecture, je suis on ne peut plus reposée, tranquille : je 
retrouve enfin une fantasy française de qualité, croisée il y a une 
dizaine d’année avec Léa Silhol et les éditions Oxymore.
C’est
 une fantasy réellement poétique. On s’y glisse doucement, comme on 
entre dans la volupté d’un bain lacté. Les nouvelles sont différentes 
mais liées intimement par le même univers. Là où Léa Silhol nous faisait
 épier par un trou de serrure des fées parfois sombres et menaçantes, 
mais dans un univers où le soleil et sa lumière chaude nous attirait, 
Rozenn Illiano nous emmène dans l’intimité des fées du froid : la 
douceur des flocons de neige et le mordant du givre, le mystère des 
Ombres, ces fées-corbeaux qui sont un peu sa marque, ce qui la distingue
 des autres univers de fantasy.
Sur
 son blog, elle explique pourquoi elle a choisi l’autoédition. A la fin 
de son article, elle se défend de toutes critiques qui pourraient lui 
être faites : elle n’a pas présenté ses textes à des éditeurs pour des 
raisons bien particulières et notamment pour les droits, elle ne cherche
 pas à faire de la littérature mais à partager son univers…. peut-être 
n’est-il pas besoin mais je voudrais simplement la rassurer ici : ma 
comparaison avec Léa Silhol n’est pas vaine, il y a réellement une belle
 écriture et un univers spécifique – et unique ! – dans ce recueil. Pour
 ma part j’ai envie d’en apprendre plus sur la forêt, les Onirographes 
et les Ombres…. Je ne sais pas ce qui conviendrait le mieux, un roman ou
 un livre illustré (Rozenn : je pense que les lecteurs de fantasy 
adorent les beaux livres illustrés, ceux qui ne se vendent pas… moi la 
première !)
Le mot de la fin donc : à quand la suite ?
Le Rêve du Prunellier / Rozenn Illiano, Editions Unseelie - 2013, 150 p. - 15€ (version papier ; 5,99 version numérique)