Que peut vous offrir la vie quand vous êtes un professeur entre deux âges,
dans une université de seconde zone, spécialisé dans un poète méconnu du XIXe
siècle anglais, et que vous buvez pour oublier une vie essentiellement remplie
de regrets ?
Pas grand-chose, n’est-ce pas ?
Et bien, selon Tim Powers, c’est précisément à ce moment-là que vous
devriez commencer à vous méfier.
Brendan Doyle, spécialiste du très oublié poète William Ashbless, est
embauché par un richissime excentrique pour donner une conférence sur
Coleridge. Conférence fort bien payée, affaire rondement menée, croit-il.
S’il se doutait que les pages suivantes vont le conduire, et nous aussi,
lecteurs émerveillés, au coeur d’un Londres XIXe fantasmé, brumeux et
inquiétant, égayé de dieux Egyptiens, de magiciens et de créatures
monstrueuses, accepterait-il cet étonnant contrat ?
Et dans une superbe édition Bragelonne, en sus ! |
J’espère bien que oui, Les voies d’Anubis étant un étonnant tour de
passe-passe, où Tim Powers associe une excellente connaissance du XIXe, un
concept joliment troussé à base de voyages dans le temps et d’histoire dans
l’histoire (je n’en dis pas plus, mais lorsque le récit commence à jouer les
poupées russes, le lecteur se régale), et un personnage, Doyle, qui gagne en
humanité et en sympathie à chaque chapitre.
L’auteur joue avec les codes du roman XIXe en convoquant quantité d’images
bien connues : Bohémiens, sorciers, mendiants, loups-garous... et utilise
Brendan, héros et spectateur moderne, comme caution réaliste : que faire quand
on est coincé dans le passé sans argent, et qu’on sait à l’avance ce que sera
le destin de la moitié des gens qu’on rencontre ? Utiliser ces connaissances,
bien sûr. C’est ce que va faire le héros pour se tirer de ses ennuis, et c’est
sans doute ce qui fait une bonne partie de l’originalité du roman : son savoir
universitaire tire Brendan d’affaire plus d’une fois, donnant à toute
l’intrigue une certaine honnêteté et un semblant de réalisme. Pas de pouvoirs
magiques, pas de réactions super intelligentes ou de prouesses physiques : dans
une fantasy gangrenée de personnages tous plus exceptionnels les uns que les
autres, la médiocrité du héros de Powers est agréablement rafraîchissante.
Enfin, si je devais en quelques phrases vendre ce roman, je dirais : c’est
Londres au XIXe, c’est l’ancêtre du Steampunk, avec une rythmique phénoménale
et un gros et savoureux retournement de situation au milieu. C’est du bon.
Les Voies d'Anubis / Tim Powers, Bragelonne - 2013 ; 480p.
PS : Et mille remerciements à Eileen, à qui je dois cette excellente lecture !!
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